Alfred Auguste Janniot

Sculpteur reconnu pour ses décors monumentaux dans l’entre-deux-guerres, Alfred Auguste Janniot est l’auteur du bas-relief qui orne la totalité de la façade du palais de la Porte Dorée sur plus de 1 130 m², véritable prouesse technique réalisée en moins de deux ans.

Né à Paris en 1889, et attiré très tôt par le dessin et le modelage, Alfred Janniot entre en 1907 à l’École nationale supérieure des beaux-arts dans l’atelier du sculpteur Jean-Antoine Injalbert (1845-1933). Après son service militaire puis sa mobilisation sur le front, il remporte en 1919 le prix de Rome de sculpture, en même temps que Raymond Delamarre (1890-1986), deux lauréats étant désignés pour rattraper les années de guerre.

Les premières œuvres

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Alfred Auguste Janniot en 1931
Alfred Auguste Janniot
© Portrait de Therese Bonney, 1931, BHVP

De janvier 1920 à juin 1924, Janniot séjourne à la Villa Médicis, alors dirigée par le sculpteur Denys Puech (1854-1942), où il fréquente entre autres les architectes Jacques Carlu et Michel Roux-Spitz, les peintres Jean Despujols, Jean Dupas et Robert Poughéon. À Rome, il parfait sa connaissance de l’art antique et de l’art italien, sources de ses premières œuvres, tel Éros en 1922, œuvre monumentale dont la composition s’inspire de bas-reliefs romains et du Titien. Janniot reçoit ensuite une commande pour l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925, œuvre destinée à décorer l’entrée de l’Hôtel du collectionneur construit pour l’ensemblier Jacques-Émile Ruhlmann. C’est l’Hommage à Jean Goujon, qui confirme l’intérêt de l’artiste pour la Renaissance, tant italienne que française, et pour le maniérisme ; d’un point de vue stylistique, l’œuvre est proche d’un courant pictural illustré notamment par Jean Dupas. Avec ce groupe monumental, Janniot acquiert la notoriété et noue des liens pérennes avec des artistes décorateurs comme Ruhlmann.

La deuxième commande importante qu’il reçoit est celle du monument aux morts de Nice, chantier mêlant étroitement architecture et sculpture. L’architecte Roger Séassal, connu à la Villa Médicis, lui propose de réaliser deux œuvres pour la façade du monument qu’il construit à même la roche de la falaise, sur la corniche, en surplomb de la mer. Janniot conçoit deux hauts-reliefs, les Horreurs de la guerre et les Bienfaits de la paix, dont la composition resserrée et le style puissant rappellent les reliefs d’Antoine Bourdelle au théâtre des Champs-Élysées. Comme pour ses œuvres romaines, Janniot travaille de façon très méthodique : le dessin, le modelage dans la terre à différentes échelles, le moulage en plâtre puis le report sur la pierre grâce à la mise au point au compas ; pour cette dernière étape, il est assisté par des tailleurs de pierre, souvent italiens.

Les grandes commandes

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Palais de la Porte Dorée. Photo : Pascal Lemaître
© Pascal Lemaître, Palais de la Porte Dorée

À partir de 1931, Alfred Janniot est un artiste reconnu, qui reçoit, dans la décennie qui suit, de nombreuses commandes de reliefs monumentaux en pierre (Hôtel de ville de Puteaux, Chambre de commerce de Châteauroux, Bourse du travail de Bordeaux), en bronze doré (Maison de France du Rockfeller Center de New-York) ou en stuc doré (salle des banquets du paquebot Normandie). À l’inverse du palais des colonies, où l’œuvre épouse la totalité du mur, à la manière d’une « tapisserie de pierre » (Albert Laprade), ces reliefs s’inscrivent dans un cadre, comme un tableau.

En 1937, les décors conçus pour le parvis du palais de Tokyo, à l’occasion de l’exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne (la Légende de la Terre et la Légende de la Mer), se déploient sur une partie du mur seulement, en suivant la forme du bâtiment et sans limites de cadre.

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Palais de Tokyo, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
Palais de Tokyo
© Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Alfred Janniot est par ailleurs l’auteur de statues en ronde-bosse en bronze ou en pierre ; ce sont le plus souvent des nus féminins ou masculins, s’inspirant souvent de figures mythologiques : Nymphe de Fontainebleau pour le paquebot Ile-de-France (1927) ou Baigneuse pour la Bibliothèque nationale réaménagée par l’architecte Roux-Spitz (1938-1945).

L'après-guerre

En 1943, l’atelier de Janniot est bombardé, détruisant de nombreux témoignages de son travail. Après la guerre, le style de Janniot, comme celui des artistes qu’il a côtoyés, est passé de mode ; son activité se concentre alors sur l’enseignement de l’art monumental à l’école des beaux-arts (1945-1959) et sur les commandes qu’il reçoit dans le cadre du 1% artistique (23 réalisations entre 1941 et 1969), qui lui permettent parfois de renouer avec le bas-relief (école nationale des arts et industries de Strasbourg, 1961).

En 1960, son entrée à l’Académie des beaux-arts consacre sa carrière officielle. Également dessinateur et peintre, Janniot a fait quelques incursions réussies dans le domaine de la tapisserie. Représentatif d’une génération encore très imprégnée d’art italien et empruntant au répertoire mythologique, Janniot a surtout marqué l’art de la première moitié du XXe siècle par ses réalisations monumentales, démontrant sa capacité à adapter son style à la commande. Le bas-relief du Palais de la Porte Dorée en est incontestablement le point d’orgue.

À lire aussi

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couverture du livre

Alfred Auguste Janniot, 1889-1969, Collectif, Ed. Samogy, 2003

Cette monographie permet de redécouvrir l’œuvre de Janniot, sculpteur spécialisé dans les décors monumentaux, auteur du plus grand bas-relief européen qui orne la façade du Palais de la Porte Dorée depuis 1931.