André et Ivanna Lemaître

Ivanna Jacovlena Koytcheff est née à Saint-Pétersbourg en 1893. À une date inconnue, elle arrive en France et elle épouse André-Hubert Lemaître (Paris, 1885-1965), peintre formé à l’École nationale des Arts décoratifs puis à l’École nationale des Beaux-Arts. Ils ont deux fils, Jérôme (Paris, 1917 - Nice, 2002) et Jean (Paris, 1921 - Nice, 2007).
Par les nombreux décors monumentaux qu’ils ont réalisés ensemble dans des églises, dans des écoles, ainsi qu’au Palais de la Porte Dorée, le couple Lemaître s’est brillamment illustré dans le renouveau du décor monumental entre les deux guerres, en particulier dans le domaine de la fresque. Les deux artistes ont également chacun une œuvre à part entière, qui se poursuit séparément après la Seconde Guerre mondiale. Si leurs décors attirèrent l’attention de quelques critiques de leur vivant, ils sont aujourd’hui un peu tombés dans l’oubli.
Les réalisations en commun
Dès les années 1920, André et Ivanna Lemaître se consacrent au décor monumental d’édifices religieux (fresques ou toiles marouflées). Leur carrière démarre à Toulouse, où ils décorent deux chapelles : au couvent Notre-Dame de la Charité (1924) et à l’Institut catholique (la Trinité). Elle se poursuit dans la région parisienne avec, en 1929, le décor de l’arc triomphal de l’église Sainte Jeanne d’Arc de Meudon (toiles aujourd’hui disparues). En 1932-1934, ils peignent une grande fresque pour la chapelle du Travail dans l’église du Saint-Esprit (avenue Daumesnil, Paris 12e) : l’Eglise par ses papes, ses clercs et ses laïcs, qui réunit Sainte-Bernadette à Lourdes, Pie IX proclamant le dogme de l’Immaculée-Conception, le concile Vatican I, le curé d’Ars. Et en 1945, ils réalisent la fresque de l’arc triomphal de l’église Sainte-Hélène (rue du Ruisseau, Paris 18e), sur la vie de la sainte et de son fils, l’empereur Constantin.
En 1931, ils reçoivent leur première commande civile : les fresques du salon Lyautey (ou salon Asie) du Palais de la Porte Dorée, sur le thème des apports artistiques et spirituels de l’Asie. Les tons sont doux, dominés par des jaunes et ocres, et le dessin sinueux, en accord avec le mobilier d’Eugène Printz. À gauche de l’entrée trônent trois maîtres spirituels (Bouddha, Confucius, Krishna), et à droite, s’achemine une caravane d’éléphants portant les richesses venues d’Asie ; sur les autres parois, sont évoqués les arts (danse, musique, sculpture) et les mythes védiques (antérieurs à l’hindouisme) avec les quatre éléments. Un ensemble de dessins préparatoires à ce décor est conservé au Musée du Quai-Branly-Jacques-Chirac.
En 1933, le couple Lemaître reçoit une commande de la ville de Paris : six grands panneaux à fresque pour l’école maternelle du boulevard Davout ; on y voit une scène de Guignol, des paysages, des jeux d’enfants (le décor a disparu, seules les esquisses sont conservées). En 1935, Les deux artistes reçoivent une autre commande de l’État (bien que la commande soit au nom d’Ivanna, elle est sans doute réalisée à deux) : deux grandes toiles destinées à la salle des conférences de l’École nationale des Arts et Métiers : Le don du feu aux hommes et Paris (travaux publics) ; elles sont installées à la fin de l’année 1937. Ces deux compositions, au style puissant, dans une gamme chromatique dominée par le bleu, s’inscrivent dans la continuité du décor du salon Asie du Palais de la Porte Dorée.

L’œuvre personnelle d’Ivanna Lemaître
L’artiste a également peint des tableaux (paysages du Midi ou d’Espagne, portraits), qu’elle expose régulièrement au Salon d’Automne. Excellente dessinatrice, au style vigoureux, elle a illustré des ouvrages (bois gravés pour les Idylles et élégies d’André Chénier en 1926) et exposé ses dessins dans des galeries.
Après la guerre, Ivanna part s’installer à Nice pour raisons de santé. Elle entame alors une seconde carrière, en partie dédiée au décor monumental en mosaïque : à Nice, l’arc triomphal de l’église du Sacré-Cœur avec son fils Jean (1961), le hall d’une Caisse d’épargne, des entrées d’immeubles de luxe (Le Michelet, L’Age d’or, Alsace-Lorraine), un collège, et à Cagnes-sur-Mer, un mur d’immeuble ; le tout dans un style abstrait qu’elle adopte également pour ses œuvres isolées. Son dernier décor est un mur en pâte de verre pour l’école maternelle du groupe scolaire Jules Vedrines à Drancy, achevé après sa mort par son fils (dans le cadre du 1% artistique). Elle décède à Nice en 1973 et elle est inhumée dans le cimetière russe de Caucade.
L’œuvre personnelle d’André Lemaître
En 1941, André Lemaître peint à fresque l’arc triomphal de l’église Saint-Gabriel à Paris, sur lequel on peut voir, de bas en haut : les prophètes Daniel et Isaïe, les prophéties annoncées par les quatre évangélistes et le Christ entouré d’anges. Il est par ailleurs l’auteur de paysages et de natures mortes qu’il expose régulièrement au Salon d’Automne et au Salon des Tuileries. Plusieurs de ses œuvres figurent dans des collections publiques françaises (MNAM, Ville de Paris).