André et Ivanna Lemaître

La fresque qui décore le salon Asie du Palais de la Porte Dorée, situé à l’angle sud-est du hall d’honneur, a été réalisée en 1931 par les peintres André et Ivanna Lemaître, avec pour thème les apports culturels de l'Asie.

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André et Ivanna Lemaitre
André-Hubert Lemaitre et son épouse, Ivanna Lemaitre. Paris, vers 1925.
© Albert Harlingue / Roger-Viollet

Ce couple d’artistes est formé par Ivanna Jacovlena Koytcheff (1893-1973), née à Saint-Pétersbourg dans une famille artistocrate, réfugiée en France lors de la révolution de 1917, et André-Hubert Lemaître (1885-1965), formé à l’École nationale des Arts décoratifs puis à l’École nationale des Beaux-Arts. Ils ont eu deux fils, Jérôme (1917-2002) et Jean (1921-2007). 

Par les nombreux décors monumentaux qu’ils ont réalisés ensemble dans des églises, des écoles, ainsi qu’au Palais de la Porte Dorée, le couple Lemaître s’est brillamment illustré dans le renouveau du décor monumental entre les deux guerres, en particulier dans le domaine de la fresque. Les deux artistes ont également chacun une œuvre à part entière, qui se poursuit séparément après la seconde guerre mondiale. Si leurs décors attirèrent l’attention de quelques critiques de leur vivant, ils sont aujourd’hui un peu tombés dans l’oubli.

Les réalisations en commun

Dès les années 1920, André et Ivanna Lemaître se consacrent au décor monumental d’édifices religieux (fresques ou toiles marouflées). Leur carrière démarre à Toulouse, où ils décorent deux chapelles : au couvent Notre-Dame de la Charité (1924) et à l’Institut catholique (la Trinité). Elle se poursuit dans la région parisienne avec, en 1929, le décor de l’arc triomphal de l’église Sainte Jeanne d’Arc de Meudon (toiles aujourd’hui disparues). En 1932-1934, ils peignent une grande fresque dans l’église du Saint-Esprit (avenue Daumesnil, 12e) : l’Église par ses papes, ses clercs et ses laïcs, qui réunit Sainte-Bernadette à Lourdes, Pie IX proclamant le dogme de l’Immaculée-Conception, le concile Vatican I, le curé d’Ars. Et en 1945, ils réalisent la fresque de l’arc triomphal de l’église Sainte-Hélène (rue du Ruisseau, 18e), sur la vie de la sainte et de son fils, l’empereur Constantin.

En 1931, ils reçoivent leur première commande civile : les fresques du salon Lyautey (ou salon Asie) du Palais de la Porte Dorée, sur le thème des apports artistiques et spirituels de l’Asie ; les tons sont doux, dominés par des jaunes et ocres, et le dessin sinueux, en accord avec le mobilier d’Eugène Printz qui décore le salon. Sur le panneau de gauche, trônent les maîtres spirituels des trois principales religions de l’Asie (Bouddha, Confucius, Krishna). Sur celui de droite, s’achemine une caravane d’éléphants portant les richesses venues d’Asie. Sur les autres parois, sont évoqués les arts (danse, musique, sculpture) et les mythes védiques (antérieurs à l’hindouisme) avec les quatre éléments. Un ensemble de dessins préparatoires à ce décor est conservé au musée du Quai-Branly-Jacques-Chirac.

En 1933, le couple Lemaître réalise six grands panneaux à fresque pour l’école maternelle du boulevard Davout, aujourd’hui disparus (seules les esquisses sont conservées) ; on y voit une scène de Guignol, des paysages, des jeux d’enfants. En 1935, les deux artistes peignent deux grandes toiles, installées à la fin de l’année 1937, pour la salle des conférences de l’École nationale des Arts et Métiers : Le don du feu aux hommes et Paris (travaux publics). Ces deux compositions, au style puissant, dans une gamme chromatique dominée par le bleu, s’inscrivent dans la continuité du décor du salon Asie.

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fresque lyautey
Photo : Lorenzo.

L’œuvre personnelle d’Ivanna Lemaître

L’artiste a également peint des tableaux (paysages du Midi ou d’Espagne, portraits), qu’elle expose régulièrement au Salon d’Automne. Excellente dessinatrice, au style vigoureux, elle a illustré des ouvrages (bois gravés pour les Idylles et élégies d’André Chénier en 1926) et exposé ses dessins dans des galeries.

Après la guerre, Ivanna part s’installer à Nice pour raisons de santé. Elle entame alors une seconde carrière, en partie dédiée au décor monumental en mosaïques : à Nice, l’arc triomphal de l’église du Sacré-Cœur avec son fils Jean (1961), le hall d’une Caisse d’épargne, des entrées d’immeubles de luxe (Le Michelet, L’Age d’or, Alsace-Lorraine), un collège, et à Cagnes-sur-Mer, un mur d’immeuble ; le tout dans un style abstrait qu’elle adopte également pour ses œuvres isolées. Son dernier décor est un mur en pâte de verre pour l’école maternelle du groupe scolaire Jules Vedrines à Drancy, achevé après sa mort par son fils (dans le cadre du 1 % artistique). Elle décède à Nice en 1973 et elle est inhumée dans le cimetière russe de Caucade.

L’œuvre personnelle d’André Lemaître

En 1941, André Lemaître peint à fresque l’arc triomphal de l’église Saint-Gabriel à Paris, sur lequel on peut voir les prophètes Daniel et Isaïe, les prophéties annoncées par les quatre évangélistes et le Christ entouré d’anges. Il est par ailleurs l’auteur de paysages et de natures mortes qu’il expose régulièrement au Salon d’Automne et au Salon des Tuileries. Plusieurs de ses œuvres figurent dans des collections publiques françaises (MNAM, Ville de Paris).