Le Salon des laques
Reconstitué en 2023 à son emplacement originel, ce Salon, conçu en 1931 par l’architecte du Palais de la Porte Dorée, Albert Laprade (1883-1978), pour accueillir le public du musée des Colonies, a retrouvé le mobilier en palissandre de Madagascar, classé au titre des monuments historiques, et les panneaux de laque de Jean Dunand, artiste hors pair, qui alors le décoraient. Cet ensemble mobilier et décoratif exceptionnel constitue un témoignage majeur du style Art déco.
La restauration du Salon en vidéo
Le mobilier
Le mobilier, d’une vingtaine de pièces de grande qualité en noyer d’Afrique et palissandre de Madagascar, a été réalisé par la société Dennery, ébéniste renommé du faubourg Saint-Antoine, sous la direction artistique de Léon-Émile Bouchet.
Jusqu’en 2020, les meubles composant la bibliothèque étaient démontés, dispersés dans les réserves ou utilisés comme meubles dans les bureaux administratifs du Palais de la Porte Dorée. L’aspect des placages en bois était particulièrement défraîchi et même décoloré. Leur restauration, réalisée à l’automne 2022 par les Ateliers de la Chapelle, atelier d’ébénisterie spécialisé dans la restauration patrimoniale, a permis de leur faire retrouver leur éclat et la couleur rouge foncé au veinage très animé du bois de palissandre de Madagascar.
Contrairement au mobilier Art déco habituellement destiné à une clientèle aisée d’avant-garde - comme les meubles Ruhlmann et Printz des salons historiques (Salon Afrique et Salon Asie) -, ce mobilier avait une fonction avant tout utilitaire et était destiné à l’usage des visiteurs du musée des colonies.
Les panneaux de laque
Outre son mobilier, ce double salon était décoré de dix panneaux de laques conçus et réalisés par Jean Dunand (1877-1942), figure majeure du mouvement Art déco.
Les dix panneaux de laques, accrochés dans le musée permanent des colonies en 1931, se répartissent en deux ensembles, chacun se trouvant sur un demi-niveau du Salon des laques. Ces laques, dont la réalisation représente le point culminant de la carrière artistique de Jean Dunand, avaient rejoint en 2006 les collections du musée du quai Branly - Jacques Chirac, avec les collections du Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie (MNAAO) qui étaient au Palais de la Porte Dorée.
Au niveau inférieur sont présentés trois panneaux de laque noire dites « de Coromandel », réalisées selon la technique de la laque « défoncée ». Le plus grand, La Forêt, aux dimensions impressionnantes de 3 mètres sur 3,35 mètres, a été réalisé en laque noire dont les différentes couches ont été gravées et rehaussées de peinture argent ou rouge dans les incisions. Alors que les contours noirs du motif restent en relief, les incisions gravées sont soit laissées en l’état (comme par exemple la signature gravée à droite jusqu’à la couche de préparation d’un ton marron), soit rehaussées de pigments de couleur (comme le félin avec une peinture d’argent, ou les feuilles en rouge). Ce panneau a été restauré en 2022.
Les deux panneaux des Sénégalaises, de 3 mètres de haut et de 1,29 mètres de large chacun, qui font pendant à La Forêt, ont été réalisés avec la même technique. Y ont été ajoutées des incrustations faites de plaquettes de laiton laqué rouge et de matériaux osseux (os ou ivoire).
Au niveau supérieur, se trouvent 7 panneaux réalisés selon la technique de la laque « arrachée », que Jean Dunand a expérimentée, loin des canons de l’art du laque traditionnel. Sur un fond de feuilles d’aluminium disposées en petits carrés comme de la feuille d’or, l’artiste a appliqué d’épaisses couches de laque mélangées à l’argile et l’oxyde de fer. La laque encore fraîche est travaillée à la spatule en bois, pour créer un effet de matière en relief et figurer des motifs alors que le panneau est monochrome.
Laque arrachée brune mate sur fond de laque argenté (aluminium)
Dans le panneau des Éléphants (3,50 m x 3,60 m), la technique de la laque arrachée permet de figurer la peau granuleuse des éléphants et le mouvement dans les herbes à leurs pieds. Dans ce panneau monochrome, le motif est ainsi sculpté : la peau de la mère est composée d’épaisses couches de laque simplement striées, alors que l’oreille de l’éléphanteau se détache par des raclages plus profonds, laissant apparaître le fond argenté. Contrairement aux peintres qui ajoutent de la matière, Jean Dunand a travaillé ici en sculpteur.
Panneau en laque arrachée brune mate sur fond argenté (aluminium)
Panneau en laque arrachée brune mate sur fond argenté (aluminium) avec incrustations d'ivoire, de laiton et de métal
Des ouvrages en lien avec l’histoire de la colonisation sont mis à disposition du public dans les bibliothèques du Salon des laques