La section de synthèse
En parallèle avec la « section rétrospective », qui avait pour objectif « d’évoquer l’œuvre d’expansion coloniale dans les pays d’outre-mer ayant relevé dans le passé ou relevant encore de l’influence française », le commissariat général de l’Exposition coloniale de 1931 avait décidé que le musée permanent des Colonies comporterait une « section de synthèse », présentant l’œuvre accomplie par la France dans son empire colonial et l’apport des colonies à la Métropole. Tels sont les deux points principaux que développe la section de synthèse avec deux divisions essentielles : les « efforts accomplis pour élever et améliorer l'homme » et ceux consacrés à la mise en valeur du sol.
Au contraire de la section rétrospective, qui occupait un seul niveau du Palais de la Porte Dorée, la section de synthèse se déployait sur trois niveaux à travers dix sections : le rez-de-chaussée inférieur (transports et missions, planisphère lumineux, les eaux coloniales), l’entresol (anthropologie, archéologie, arts indigènes) et l’étage supérieur (conquête et pacification, action sociale, travaux publics, produits coloniaux, armée et marine, tourisme, marine marchande, influence coloniale sur le génie français).
1. Rez-de-chaussée inférieur : section transports et missions, les eaux coloniales
Le commissariat de la section de synthèse avait prévu que le sous-sol devait être consacré aux « présentations lourdes », comportant des engins volumineux ou nécessitant des travaux préparatoires importants. C'est ainsi qu'il abrita l'exposition dite des « transports » sous forme de dioramas et de maquettes de grande taille.
Deux sous-sections, les transports maritimes et fluviaux, automobile et aviations et une sous-section consacrée spécifiquement aux liaisons transsahariennes. La section des transports maritimes et fluviaux était illustrée par un diorama montrant la baie de Saigon avec une flotte militaire et commerciale. Des modèles de bateaux des colonies l’encadraient. Pour l’automobile, dans un rectangle de 500 m², sur une couche de sable, les automobiles des premières traversées transafricaines étaient encadrées d’une fresque de Jean-Louis Paguenaud. Les voitures exposées étaient la Renault de Gaston Gradis, la Citroën de Georges-Marie Haardt, la 5 Cv Peugeot de Louis Proust et la Delahaye du prince Sixte de Bourbon-Parme.
L’attraction principale de cette section était le diorama de Jeanne Thil représentant la future gare du Reggan.
L’exposition de synthèse des produits des eaux tropicales occupait, avec l’Aquarium, la totalité de la grande salle du sous-sol, dont le centre était occupé par le planisphère lumineux, qui, en contrebas, représentait la carte du monde en relief sur une largeur de 14 m. Sur la partie Nord, un écran projetait un film de 12 minutes synchronisé avec l’animation lumineuse du planisphère, montrant progressivement la formation de l’empire colonial français. La construction du planisphère, l'adaptation automatique de l'éclairage, la mise au point du film constituèrent un réel tour de force de la part de l'ingénieur-électricien M. Fontbonne et du constructeur-géographe M. Girard.
Entresol : section anthropologie, archéologie, arts indigènes
L’entresol, tout en balcons, était consacré à l’étude de « l’humanité coloniale », représentée par ses mœurs et ses œuvres.
Sur le palier de l’entresol de l’escalier d’honneur, le visiteur découvrait huit statues de Fournery, représentant les types caractéristiques des races indigènes des colonies.
La galerie Ouest était consacrée à l’anthropologie coloniale, confiée au docteur Papillault, directeur de laboratoire à l’Ecole des hautes études, professeur à l’Ecole d’anthropologie. Les vitrines y exposaient des crânes et des squelettes. Les mêmes galeries abritaient une exposition d’archéologie coloniale et notamment les produits de fouilles et de recherche effectuées dans le nord de l’Afrique, le Sahara, et l’Afrique occidentale par les missions Reygasse et Benard le Pontois. On pouvait voir des bijoux, des armes, des outils de silex et de bronze. Deux grandes fresques de Paguenaud reproduisaient deux images du Sahara, l’une désertique et l’autre il y a dix mille ans quand le Sahara était humide et peuplé.
M. Gallotti, inspecteur des Beaux-arts au Maroc, a été chargé de l’installation de la galerie des arts indigènes. Des collectionneurs et des galeries prêtèrent des lots importants d’œuvres réunies dans des vitrines, pour illustrer la salle des arts indigènes. Pour l’art d’Afrique équatoriale, on pouvait admirer des masques de la Côte d’Ivoire, du Soudan, une statue en cuivre du Dahomey, des bijoux et des tissus et trois grandes statues de la fécondité. Pour l’art asiatique, des faïences et des grès de Than-Hoa et un chambranle en bois sculpté et doré marquait la présence de l’Inde. Enfin, pour l’art d’Afrique du Nord, des collections prélevées dans les musées des protectorats étaient présentées, notamment, des tapis de Rabat et berbères, des tissus de fez, des boiseries anciennes et des bijoux et faïences.
3. Premier étage : section conquête et pacification (formation de l’empire colonial de la IIIe République), action sociale, travaux publics et outillage économique, armée et marine, tourisme, marine marchande et produits coloniaux
Les différentes sections donnaient à voir des objets et œuvres d’art : prêts de musées tels que ceux de l’Armée ou de la Marine, prêts de collectionneurs privés, des dioramas, toutes sortes de tableaux avec des études statistiques.
Pour la section sur la conquête et pacification, chaque colonie ou possession était représentée par des notices détaillées, calligraphiées sur de larges cartons permettant de figurer l’histoire de la conquête militaire de chaque territoire. Autour de ces cartes et notices, des souvenirs, portraits et reliques.
La mappemonde de 2,50 m de diamètre fabriquée par M. Girard, et équipée d’un moteur électrique, effectuait un tour toutes les deux minutes pour présenter au public les territoires du globe placés sous l’autorité de la France.
La section intitulée « action sociale » incluait des sous-sections sur l’hygiène, la santé, l’enseignement et devait montrer comme les sections enseignement, travaux publics et tourisme qu’après la conquête, « la France pacifiait ».
Pour la santé, un bilan montrait l’effort de la métropole pour développer les mesures d’hygiène dans l’ensemble de l’empire colonial, résumé ainsi : 2 600 médecins européens, 700 médecins indigènes, 7 800 infirmiers et auxiliaires et 1 960 hôpitaux et dispensaires.
Pour l’enseignement, deux objectifs : instruire les indigènes et instruire les Français qui seront des chefs, des administrateurs, des ingénieurs, etc., représenté à l’aide de dioramas, de scènes avec des poupées, de tableaux et d’échelles scolaires.
La section des travaux publics et de l’outillage économique montrait les principaux travaux entrepris dans les possessions françaises. Dans l’axe des galeries est et nord se dressait le phare d’El Hank de Casablanca, projetant des éclats qui symbolisaient la signalisation française des routes maritimes. La section est conçue sous la forme d’une série de dioramas symbolisant tous les domaines des grands travaux, routes, ports, chemins de fer, urbanisme. Les dioramas figurant les routes, les chemins de fer, l’industrie et l’hydraulique agricole sont les œuvres des peintres Oscar Chauvaux, Robert Mahias, Jean Julien, Charles Boirau, Martin Sauvaigo, Maurice Ménardeau. L’exposition se terminait par un grand tableau qui rappelait la plupart des aspects des chantiers de construction des travaux publics, exécuté par deux artistes peintres, Suzanne Fremont et Marcelle Ackein.
La galerie Ouest était dévolue aux stands de l’armée et de la marine militaire. Pour les organisateurs, l’existence d’une marine forte devait assurer « la liberté de communication entre la métropole et les colonies ». On pouvait voir dans cette salle de nombreux tableaux indiquant l’emplacement des différentes unités de l’armée coloniale en 1931.
La salle aboutissait à un salon d’honneur, lieu de réunion et de repos contenant des tableaux et des photographies. Une grande composition de 16 m de long de Jean-Louis Paguenaud évoquait les flottes en action. À droite, un second panneau montrait un convoi de troupes escorté par une escadrille de torpilleurs. Enfin, un gros sous-marin finissait le triptyque. La scène se passe devant la Martinique ; au loin la montagne Pelée.
Enfin, la section marine marchande synthétisait les aspects du rôle de liaison incombant aux navires de commerce entre la métropole et les colonies. Douze grands tableaux de Paul Jobert, Martin Sauvaigo, Raoul du Gardier et Charles Fouqueray, répartis en triptyques présentaient le navire français sous toutes les latitudes.
Dans cette salle se trouvait également une statue de 5,70 m de haut, figurant sous les traits d’une femme puissante, la marine marchande, considéré par les organisatuers comme le lien matériel et moral entre la métropole et ses colonies. C’est une œuvre de Léon Baudry, qui représente les colonies d’Afrique du Nord figurées par un musulman en prière ; l’Afrique équatoriale est représentée par une femme pilant du manioc et l’Indochine par une femme triant des fruits.