Albert Laprade

Le Palais de la Porte Dorée a été construit de 1929 à 1931 selon les plans et le projet conçu par l’architecte Albert Laprade  (1883-1978), qui en a fait un monument emblématique de l’architecture Art déco, véritable œuvre d’art totale, où les éléments décoratifs (mobilier et décors) ont autant d’importance que les éléments architecturaux.

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L'architecte Albert Laprade (1931) devant le Musée des Colonies, Palais de la Porte Dorée
L'architecte Albert Laprade (1931) devant le Musée des Colonies, Palais de la Porte Dorée
© Musée du quai Branly - Jacques Chirac

Né en 1883 à Buzançais dans l’Indre, Albert Laprade suit sa scolarité à Châteauroux, avant d’intégrer l’École des Beaux-Arts de Paris où il obtient son diplôme en architecture en 1907. Après sa démobilisation pour blessure en 1915, il est attaché jusqu’en 1919 à la résidence générale du protectorat français au Maroc et devient l’adjoint d’Henri Prost, l’urbaniste du gouverneur Hubert Lyautey. Il prend en charge en 1916 la construction de la ville indigène de Casablanca (quartier des Habous) pour désengorger la médina insalubre et faire disparaître les bidonvilles. Son projet, réalisé plus tard par d’autres, prévoyait de mêler au modèle des maisons marocaines traditionnelles le confort moderne (tout-à-l’égout, électricité et ciment armé). Il est ensuite l'architecte de la résidence générale du gouverneur à Rabat en 1918, ainsi que du phare d'El Hank.

De retour à Paris en 1920, il crée son agence d’architecte et s’associe en 1925 à Léon Bazin. Il réalise dans une veine moderniste ses premières architectures industrielles et commerciales, comme le garage Citroën de la rue Marbeuf en 1929 (détruit en 1954), dont l’immense devanture vitrée en façade laissait voir cinq niveaux disposés comme un théâtre à l’italienne.

Albert Laprade participe à l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925, premier manifeste de ce nouveau style collectif, où il réalise le pavillon Studium des Grands magasins du Louvre. Il y collabore avec Edgar Brandt, qui y réalise les ferronneries ainsi que les grilles en fer forgé de la porte d’honneur de l’Exposition à côté du Grand Palais, et qui participera aussi au chantier du Palais de la Porte Dorée.

La conception du Palais de la Porte Dorée

En 1927, Léon Jaussely, nommé l’année précédente architecte en chef de l’Exposition coloniale prévue en 1931, s’associe avec Albert Laprade pour concevoir et réaliser le Musée permanent des colonies. La proposition de Laprade, au style architectural simple et moderne, qui pose les bases de l’architecture monumentale Art déco, emporte l’unanimité du comité technique de l’Exposition coloniale ; le Musée permanent des colonies est inauguré en mai 1931 lors de l’ouverture de l’Exposition coloniale internationale. Il réalise également le pavillon du Maroc dans l’Exposition coloniale.

Pour la conception du Palais de la Porte Dorée, Albert Laprade s’est inspiré de l’architecture arabe, dont il a utilisé certaines caractéristiques découvertes lors de son séjour au Maroc. Ainsi il met en place un éclairage indirect zénithal à travers les grandes pyramides à degrés, au-dessus des immenses espaces aveugles situés au centre du bâtiment (le Forum, qui fait plus de 900 m², et les deux salles adjacentes, où se trouvent aujourd’hui l’auditorium et le hall Marie Curie), et à travers une vingtaine de lanterneaux qui éclairent les galeries d’exposition du dernier étage, dépourvues de fenêtres pour conserver des surfaces d’accrochage. De même, il applique le principe de la ventilation naturelle de l’architecture arabe, en créant deux courettes (aujourd’hui fermées), de même hauteur que le bâtiment, ouvrant sur l’escalier central, dans lesquelles circule l’air provenant du sous-sol.

Après le Palais de la Porte Dorée

Après avoir été nommé en 1932 architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux (jusqu’en 1960), puis inspecteur général des Beaux-arts en charge des écoles d’art en province (jusqu’en 1951), Albert Laprade réalise de nombreux bâtiments officiels ou industriels de grande envergure :

  • Chambre de commerce et d'industrie de Châteauroux (1932),
  • Trois résidences de la Cité internationale universitaire de Paris : la Maison de Cuba/fondation Rosa Abreu de Grancher (1930-1932), la Maison de la France d’Outre-Mer/résidence Lucien Paye (1949-1951) et la Maison du Maroc (1949-1953), ces deux dernières en collaboration avec Jean Vernon et Bruno Philippe,
  • Ambassade de France en Turquie à Ankara (1933-1937),
  • Siège de la Compagnie parisienne d'électricité, au 76 rue de Rennes à Paris (1933-1935),
  • Immeuble du Journal L’Écho du Nord (1934), devenu La Voix du Nord, sur la Grand’ Place de Lille, 
  • Colonne de la paix, place du Trocadéro, et pavillon de l’Irak à l'Exposition universelle de 1937,
  • Barrage de Génissiat (1939-1941) sur le Rhône, considéré à l’époque comme le plus grand ouvrage d’Europe occidentale,
  • Aménagement du vieux Mans (1944-1958),
  • Préfecture de Paris, boulevard Morland (1955-1956),
  • Cité administrative de Lille (1949-1956),
  • Tombeau du Maréchal Lyautey aux Invalides (1961-1963), dont les décorations en bronze doré ont été réalisées par Raymond Subes,
  • Monument aux morts du 13e arrondissement, boulevard Auguste Blanqui à Paris (1964).

De 1942 à 1965, il est chargé de la résorption du quartier insalubre de Saint-Gervais, dans le Marais à Paris, avec Robert Danis et Michel Roux-Spitz. Il y inaugure la pratique de curetage en cœur d'îlot, qui permet de conserver l’ancien bâti, au lieu de le raser, et qui fut généralisée lors de la création des « secteurs sauvegardés », dont Laprade fut l'un des architectes pionniers.

Engagé pour la sauvegarde des quartiers historiques face à certaines destructions qu’il considère abusives, Albert Laprade publie, des années 1940 jusqu’à sa mort en 1978, des carnets de croquis d’architecture, qui le font connaître du grand public : région de l’Est, région du Midi, Du Nord à la Loire, Paris (quartiers des Halles et du Marais), Europe méridionale et Asie Mineure, Portugal-Espagne-Maroc…

En 1958, Albert Laprade est élu à l'Académie des Beaux-Arts (son épée d’académicien étant dessinée par Raymond Subes), dont il deviendra le président en 1965.

Sous le pinceau de Ducos de la Haille

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Albert Laprade sur la fresque du forum
Albert Laprade
Lorenzö © Palais de la Porte Dorée

Pour finir, une petite anecdote concernant l’architecte du Palais de la Porte Dorée, représenté au sein de son œuvre, sous la forme d’une des figures de la fresque du Forum : dans le panneau illustrant l’Art, à l’angle droit de la scène, Albert Laprade est représenté sous les traits de l’homme à la veste jaune qui consulte un plan (celui du Palais de la Porte Dorée ?).

Pour aller plus loin

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couverture du livre

Albert Laprade, 1883-1978 : Architecte, jardinier, urbaniste, dessinateur, serviteur du patrimoine, Maurice Culot et Anne Lambrichs, Norma éditions, ISBN 97829155421102007

Réalisé avec le concours de la Cité de l’architecture et du patrimoine, cet ouvrage retrace le riche parcours de l’architecte du Palais de la Porte Dorée, à travers une exploration de son œuvre architectural qui traverse les multiples métamorphoses de l’architecture du XXe siècle.