La bibliothèque d’Albert Laprade et les laques de Jean Dunand
En 1931, le musée permanent des Colonies comprenait une bibliothèque, située au dernier étage, au centre de la galerie Sud et du palier Sud. Cette bibliothèque, constituée de deux salons, sur deux demi-niveaux différents reliés par quelques marches, a été conçue pour servir de distribution entre les deux galeries d’exposition (actuellement entre l’espace des expositions temporaires et le parcours permanent du Musée).

Le mobilier
Le mobilier, d’une vingtaine de pièces de grande qualité en noyer d’Afrique et palissandre de Madagascar, a été dessiné par l’architecte du Palais Albert Laprade (1883-1978) et réalisé par la société Dennery, ébéniste renommé du faubourg Saint-Antoine, sous la direction artistique de Léon-Émile Bouchet.
Les panneaux de laque
Outre son mobilier, la bibliothèque était décorée de dix panneaux de laques imaginés et réalisés spécifiquement pour cet ensemble par Jean Dunand (1877-1942).

Figure majeure du mouvement Art déco, Jean Dunand était un artiste pluridisciplinaire : décorateur, sculpteur, dinandier (art du métal), ébéniste, mosaïste et peintre, d’origine suisse. Il a introduit en France la technique de la laque, à laquelle l’a initié en 1912 le maître japonais Seizo Sugawara (1884-1937). Technique minutieuse, nécessitant jusqu’à 40 couches superposées de résines colorées, la laque devint alors son matériau de prédilection, qu’il utilisa sur le métal et sur le bois sur ses propres œuvres (panneaux ou paravents), aux motifs de flore et faune exotiques, mais aussi pour des meubles d’autres décorateurs tels que Printz et Ruhlmann. Dans les années 1930, ses panneaux de laque de grande dimension décoraient les paquebots L’Atlantique et Le Normandie, véritables palaces flottants Art déco.
Pour cet ensemble, il a utilisé les différentes techniques de la laque qu’il maîtrisait : laque arrachée sur fond en aluminium avec incrustation de métal doré pour Les peuples d’Afrique (Maroc) ; laque arrachée brune mate sur fond aluminium recouvert d’argent pour Tigre à l’affût, Béliers affrontés (ou Antilopes affrontées), Les peuples d’Afrique (Cameroun) et Les peuples d’Asie (Indochine) ; laque arrachée sur fond aluminium, incrustations d’ivoire, de laiton et de métal pour Les peuples d’Afrique (Sénégal) ; laque noire défoncée, application de rouge et de blanc et or au pinceau, incrustations d’ivoire, pour l’une et application de rouge et bronze pour l’autre dans les deux panneaux Les Sénégalaises.
Ces laques, dont la réalisation représente le point culminant de la carrière artistique de Jean Dunand, ont rejoint les collections du Musée du Quai Branly en 2003, avec le reste des collections du Musée national des arts africains et océaniens (MNAAO).
Parmi les laques réalisées pour la bibliothèque du musée des Colonies, figurent deux œuvres exceptionnelles par leur qualité esthétique et leur format : La forêt vierge (3,00 x 3,35 m), réalisé en laque de Coromandel noire « défoncée », gravée et rehaussée de laques de couleur en creux ; Les éléphants (3,50 x 3,60 m), en laque arrachée sur fond aluminium appliqué sur bois.
À lire aussi

Albert Laprade, 1883-1978 : Architecte, jardinier, urbaniste, dessinateur, serviteur du patrimoine, Maurice Culot et Anne Lambrichs, Norma éditions, 2007
Réalisé avec le concours de la Cité de l’architecture et du patrimoine, cet ouvrage retrace le riche parcours de l’architecte du Palais de la Porte Dorée, à travers une exploration de son œuvre architectural qui traverse les multiples métamorphoses de l’architecture du XXe siècle.

Jean Dunand, Félix et Amélie Marcilhac, Éditions Norma, 2020
Ce catalogue raisonné illustre la totalité de l’œuvre foisonnant de Jean Dunand, figure majeure du mouvement Art déco et artiste pluridisciplinaire (décorateur, sculpteur, dinandier, ébéniste, mosaïste et peintre). En 1912, il introduit en France la technique de la laque, qu’il utilise pour la réalisation des panneaux de laque qui ornaient le salon de lecture du musée permanent des Colonies en 1931.