La fresque de Ducos de la Haille
La fresque qui décore le pourtour du Forum, situé au cœur du Palais de la Porte Dorée et classé au titre des monuments historiques depuis 1987, a été réalisée par Pierre Henri Étienne Ducos de la Haille (1889-1972), prix de Rome de peinture en 1922 et professeur à l’École des beaux-arts jusqu’en 1949, qui a fait partie des peintres qui ont participé au renouveau de la technique de la fresque au début du XXe siècle.
La commande de l’architecte du Palais Albert Laprade était de figurer « l’apport de la France à l’Outremer » sur les murs de la Salle des fêtes, lieu des galas et manifestations officielles pendant l’Exposition coloniale de 1931, avec un décor sur plus de 600 m², réalisé par le peintre, ses sept assistants, dont on peut lire les noms à gauche de l’entrée, ainsi que ses élèves. On sait que l’architecte du Palais Albert Laprade a choisi Ducos de la Haille pour le décor du Palais, en partie parce que le peintre avait séjourné en Algérie lors de son service militaire, de 1912 à 1914.
Comme en attestent les archives, Laprade eut de nombreuses discussions avec le peintre sur le programme iconographique (le bandeau sur les yeux de la Justice, le gratte-ciel sur les jambes de l’Amérique, la trop grande quantité de bateaux à voile…) et les relations entre les deux hommes en ont pâti, même si Ducos a tenu compte de certaines remarques de l’architecte, notamment pour la peinture centrale.
Constituant le fond de la scène, à l’opposé de l’entrée depuis le hall d’honneur, le grand panneau central (10 m de long sur 8 m de haut), exécuté en 40 jours, représente la France, allégorie drapée de rouge impérial et de blanc pacifique. Elle est entourée d’un Amour ailé, d’une treille, symbole d’abondance et de richesse, d’un chêne symbole de force, d’un laurier symbole de gloire et de voiles blanches qui symbolisent sa colonisation outre-mer.
La France offre la colombe de la paix aux cinq continents, dont les allégories l’entourent : l’Europe lui offre la main ; à gauche en haut l’Afrique et à droite en haut l’Asie qui se tournent vers elle ; enfin, en bas sur des chevaux marins, l’Océanie et l’Amérique figurent l’ancien et nouveau monde.
Les figures allégoriques
À partir de cette composition centrale, se déroulent huit tableaux représentant les « valeurs apportées par la France à ses colonies », à travers des figures allégoriques (sous les traits hiératiques d’une femme habillée à l’antique), surmontées chacune d’un phylactère indiquant en lettres dorées le concept évoqué et accompagnées de compositions illustratives figurant les différents peuples colonisés.
L’Art est représenté par une femme qui se déploie d’une coquille, telle une Vénus sortant des flots, et illustré par des fouilles archéologiques, des constructions et des échafaudages, symbolisant l’architecture. Pour l’anecdote, on reconnaîtra sous les traits de l’architecte en veste jaune regardant un plan, Albert Laprade, sous forme d’hommage du fresquiste à son donneur d’ordre.
La Paix tient une faucille et une gerbe de blé, avec un Amour ailé sur son épaule, et à ses pieds, dans les plis de son manteau, l’enfant confiant et un couple de biches apaisé, et un olivier à droite. La composition illustrative à sa gauche déroule des populations africaines jouissant de la prospérité et du calme de la paix, vaquant paisiblement à leurs occupations, avec une mère allaitant son enfant, parmi végétation luxuriante, poules et bœuf.
Le Travail s’appuie sur le bœuf, symbole du travail rural, et sur le marteau, emblème du travail industriel. La ruche, le blé et la vigne complètent cette évocation, illustrée à droite par un paysan labourant avec sa charrue tirée par un bœuf, et des bûcherons coupant des arbres, utilisant à la fois des méthodes traditionnelles (avec les éléphants) et modernes (avec le tracteur au fond).
Le Commerce est figuré par une femme qui pèse la monnaie au trébuchet et illustré par l’activité bourdonnante d’un port, où sur fond de jonques et de navires s’échangent multiples denrées.
L’Industrie, sous les traits d’une fileuse à la quenouille, est accompagnée de scènes où tisserandes, cueilleurs d’olives qui sont pressées pour donner de l’huile mise en jarres et transportée en felouques.
La Liberté, en robe blanche, les cheveux et son manteau rouge au vent, levant la main qui tient le bonnet phrygien rouge, excite l’élan de Pégase, le cheval ailé plein de fougue et de force. Ce thème est illustré par un missionnaire blanc libérant de leurs chaînes des esclaves noirs et des populations jouissant des libertés individuelles.
La Justice, tenant l’épée qui la fait craindre et étouffant le serpent image du Mal, a les yeux bandés pour signifier son impartialité, selon la tradition antique. Derrière elle, le chêne et le bison évoquent sa force et sa puissance. À noter qu’Albert Laprade dans deux courriers en date du 10 novembre 1930 et du 2 avril 1931 demandait expressément à Ducos de la Haille, sans que cela ne soit suivi d’effet, de retirer le bandeau des yeux de la Justice, au motif qu’il trouvait un peu choquant de « bafouer la justice coloniale en la présentant comme aveugle. Le fait est que cette confusion avec les caprices de la Fortune peut être mal interprétée et comme nous sommes dans un édifice public, il faudrait éviter de prêter le flanc aux plaisanteries faciles. » L’illustration du concept de justice fait référence aux jugements qui départagent les litiges entre voisins et aux secours portés aux plus faibles (malades affaiblis ou enfants abandonnés).
La Science, symbolisée par le globe terrestre et le compas, montre des Occidentaux maniant les outils de la modernité : une religieuse qui soigne, un médecin qui vaccine, un géomètre qui utilise un sextant, un homme qui téléphone, avec une locomotive en fond.