Eugène Printz

Grand nom du mouvement Art déco, Eugène Printz a conçu et dessiné l’ensemble du mobilier du salon Asie du Palais de la Porte Dorée, salon d’apparat qui, pendant l’Exposition coloniale de 1931, accueillait le bureau de réception du maréchal Lyautey, commissaire général de l’exposition.

Né le 1er juin 1889 et mort le 26 mars 1948 à Paris, Eugène Printz est issu d’une famille d’ébénistes du faubourg Saint-Antoine, où il ouvre son propre atelier rue Saint-Bernard en 1905 dans la plus pure tradition des ébénistes des XVIIe et XVIIIe siècles, Boulle et Riesener, de styles Louis XV et Louis XVI.

Dans les années 1920, il abandonne la copie de meubles anciens pour se consacrer à la création moderne, sous l’influence de l’architecte Pierre Chareau, pour qui il réalise de nombreux meubles, notamment en 1925 ceux qui ornent le bureau-bibliothèque du Pavillon d’une ambassade française, aux cloisons mobiles et au plafond modulable (aujourd’hui exposé au musée des Arts décoratifs de Paris), dessiné par l’architecte pour l’Exposition internationale des Arts décoratifs (qui donna son nom au style Art déco). Avec Mallet-Stevens, autre figure centrale de l’architecture moderne qui introduit le verre et l’acier dans la construction, Pierre Chareau impose une nouvelle esthétique moderniste, avec par exemple l’emblématique Maison de verre en 1928, où l’architecture est intimement liée aux arts décoratifs et où les meubles, au-delà de leur esthétique sobre et élégante, acquièrent une nouvelle fonction pratique en devenant mobiles et évolutifs.

Un ébéniste reconnu

Eugène Printz devient alors un ébéniste prisé au succès grandissant, dont le talent est reconnu pour ses meubles aux lignes modernes et épurées Art déco, dont il est à la fois le concepteur-créateur et le réalisateur (il dessine les modèles, réalise les maquettes au 1/10e et en dirige l’exécution). Au travers de sa galerie rue de Miromesnil, ouverte en 1928, il reçoit de nombreuses commandes pour décorer les intérieurs d’une clientèle bourgeoise internationale de pièces uniques sophistiquées aux matériaux raffinés, qui empruntent au domaine du luxe, véritable signature de l’esthétique Art déco (voir le bureau de Jeanne Lanvin dans sa maison de couture rue du Faubourg Saint-Honoré).

Ses meubles, souvent « à combinaisons », c’est-à-dire avec des mécanismes de portes coulissantes, de plateaux pivotables ou de systèmes de coulisses qui en rendent certaines parties mobiles, sont toujours ornés de placages somptueux, réalisés en essences exotiques rares comme le palmier de Patawa, l’ébène du Gabon, l’acajou, le sycomore ou le palissandre, rehaussés de bronze ou laiton doré. Certaines de ses créations figurent aujourd’hui dans les collections du Mobilier national.

Il participe aux éditions annuelles du Salon des artistes décorateurs, du Salon des Tuileries ou du Salon d’automne, dont il est une figure remarquée. C’est au Salon d’automne de 1928 qu’il présente sa première collaboration avec Jean Dunand, une enfilade rectangulaire plaquée de bois de palmier avec différentes portes laquées pliants et glissantes. Ils réaliseront par la suite de nombreux meubles ensemble, mêlant placages de bois précieux et panneaux laqués.

La décoration et l'ameublement du salon Asie

En 1930, l’architecte Albert Laprade lui commande les boiseries du salon de la Maison de Cuba/fondation Rosa Abreu de Grancher, qu’il construit à la Cité internationale universitaire de Paris. L’année suivante, Albert Laprade, architecte du Palais de la Porte Dorée, lui demande de réaliser la décoration et l'ameublement du bureau du maréchal Lyautey, commissaire de l’Exposition coloniale de 1931, dit le Salon Asie.

Printz a créé, pour ce salon de réception, un ensemble mobilier exceptionnel, classé au titre des monuments historiques, en palmier de Patawa (écorce de palmier du Gabon), bois considéré le plus dur et le plus difficile à travailler, et donc le plus cher (qu’il est le seul à utiliser en ébénisterie). Printz réalisa également dans ce bois le placage des deux portes monumentales de 5,40 mètres de haut, avec une serrurerie en bronze doré, ainsi que les chambranles, les plinthes et les portes des placards, ce qui donne au salon une unité stylistique et une cohérence esthétique, qui renforce l’idée d’œuvre d’art totale, caractéristique de l’Art déco.

Il conçoit également le dessin tout en courbes du parquet en marqueterie, réalisé en bilinga du Gabon (d’un coloris très orangé), disposé en motifs en damiers, agrémenté de lignes brisées en wengé et de liserés en ébène.

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couverture du livre

Eugène Printz, Guy Bujon et Jean-Jacques Dutko, Éditions du Regard, 1986

Cet ouvrage richement illustré permet de découvrir l’œuvre du concepteur d’un des grands ébénistes des années 1930 qui ont amené l’esthétique Art déco au summum du raffinement.