Raymond Subes

Parmi les ferronniers d’art les plus célèbres de la période Art déco, Raymond Subes a réalisé, pour le Palais de la Porte Dorée, la grille du vestibule, les deux vases lumineux du salon Afrique et les huit lampadaires du hall d’honneur. Il a collaboré avec de nombreux architectes pour la réalisation de portes, balcons, et rampes d’escalier de bâtiments officiels, paquebots, églises et banques. Il a aussi créé du mobilier en métal, tels que des luminaires, des consoles et des chaises, notamment pour de grands décorateurs de l’époque comme Jacques-Émile Ruhlmann.

Image
Grille de Raymond Subes dans le Hall d'honneur du Palais de la Porte Dorée
Détail des ferronneries de Raymond Subes dans le Hall d'honneur du Palais de la Porte Dorée.
Photo : Lorenzo © Palais de la Porte Dorée

Formation et premières commandes

Né le 13 avril 1891 dans le 12e arrondissement de Paris, Raymond Subes entre à l’École Boulle en 1906, où il se forme au travail du métal. En 1910, il suit brièvement les cours de l’architecte Charles Genuys à l’École nationale des arts décoratifs, puis intègre en tant que dessinateur l’atelier du ferronnier Émile Robert (1860-1924), au sein des Établissements Borderel & Robert. Après sa démobilisation en 1914 pour raisons de santé, il rejoint Émile Robert dans son nouvel atelier à Enghien-les-Bains, où il apprend à forger.

En 1919, Subes devient directeur artistique des Établissements Borderel & Robert et participe au Xe Salon de la Société des artistes décorateurs, puis au Salon d’Automne de 1920. Dans le Travail du métal (1921), Henri Clouzot loue les qualités du jeune ferronnier, dont les grandes pièces sont « tantôt robustes et simples, tantôt délicates et raffinées, véritables tours de force d’exécution ».

En 1923, Subes réalise ses premières œuvres pour des immeubles parisiens, comme la porte au motif de colliers de perles et les balcons à blasons du Syndicat de la bijouterie, 58 rue du Louvre, et la porte-vitrine et la rampe d’escalier du magasin de soierie de François Ducharne, 20 rue de la Paix.

Il se distingue à l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925, où il expose des cache-radiateurs, une console et des lampadaires du pavillon d’une Ambassade française et réalise les portes de plusieurs bâtiments, dont celle du pavillon de la Société des architectes. Raymond Subes est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1926.

Subes fait à cette époque le choix d’utiliser de nouveaux procédés techniques, tels que le marteau-pilon et la soudure autogène (soudure par fusion du fer au chalumeau). En 1926, il considère que « n’ayant plus d’obstacles dans l’exécution leurs compositions, les ferronniers se laissent aller à la plus grande fantaisie et l’on peut dire que presque tout est exécutable en ferronnerie ». Au Salon des artistes décorateurs de 1927, il présente ainsi avec Jacques-Émile Ruhlmann une bibliothèque expérimentale en tôle d’acier, aux surfaces laquées par Jean Dunand.

Devenu administrateur délégué des Établissements Borderel & Robert, Subes répond à de nombreuses commandes pour des grandes entreprises privées. Pour la Compagnie générale transatlantique, il conçoit les ferronneries des paquebots Ile-de-France (1927), Champlain (1930) et Normandie (1935). Pour le secteur bancaire, il réalise notamment les portes de la BNCI, 16 boulevard des Italiens et de la National City Bank, 60 avenue des Champs-Élysées. Pour la Presse, il signe en 1933 les ferronneries des sièges de Paris-Soir, 37 avenue du Louvre, et de L’Illustration, 153 rue de Stalingrad à Bobigny.

Il réalise aussi de nombreux ouvrages pour des bâtiments publics, tels que le ministère de la Marine marchande place de Fontenoy, la mairie du 5e arrondissement de Paris ou l’Hôtel de ville de Puteaux. La décoration de bâtiments scolaires occupe également une place importante dans son œuvre. Professeur à l’École Boulle, Subes accorde en effet un rôle primordial à l’instruction publique. En tant que directeur de l’école d’apprentissage fondée par Émile Robert, il publie plusieurs livres sur la ferronnerie ancienne et contemporaine.

Les contributions au Palais de la Porte Dorée

Image
Dessin d’une grille du salon d’honneur de la Section métropolitaine
Dessin d’une grille du salon d’honneur de la Section métropolitaine
© Fonds Subes. SIAF / Cité de l'architecture et du patrimoine / Archives d'architecture contemporaine / ADAGP, 6 IFA 21

Il participe à l’Exposition coloniale internationale en 1931, où il réalise la grille du hall d’honneur du musée permanent des Colonies, situé dans le Palais de la Porte Dorée. Inspirée des moucharabiehs du monde islamique, la grille est constituée de plusieurs panneaux, dans lesquels des bandes de fer ondulées encadrent des motifs géométriques rehaussés d’or.

Pour le salon d’honneur de la Section métropolitaine, Subes conçoit deux grilles argentées, aux motifs inspirés des continents asiatique pour l’une et africain pour l’autre. Il crée également pour le musée des Colonies les vases lumineux en laiton repoussé du salon Afrique posé sur les socles en ébène de Macassar de Jacques-Émile Ruhlmann et les lampadaires en fer forgé à double réflecteur du hall d’honneur.

Image
Croquis Raymond Subes, Archives CAPA 6 IFA 14
Croquis Raymond Subes
© CAPA
Image
Vase éclairant © Lorenzo, 2012
Vase éclairant de Raymond Subes
Photo : Lorenzo © Palais de la Porte Dorée, ADAGP, 2021

Il prend part à l'Exposition universelle de 1937, où il conçoit la grille d'entrée monumentale du pavillon du Métal et une grande Vierge à l’enfant en feuilles de cuivre martelées pour le pavillon Pontifical. Il est promu officier de la Légion d’honneur en 1938.

Après-guerre et dernières réalisations

En 1939, Subes réalise quatre lampadaires télescopiques pour le pont du Carrousel. Recouverts de cuivre embouti, les lampadaires sont cachés pendant la guerre, afin que leurs matériaux ne soient pas récupérés par l’Occupant, et ne sont installés sur le pont qu’en 1946.

Pour faire face à la baisse des commandes après-guerre, la production des Établissements Borderel & Robert se recentre sur la construction métallique. Subes conserve toutefois une activité artistique grâce aux monuments historiques. Pour l’architecte en chef Albert Chauvel, il fournit ainsi les grilles du chœur de l’église Saint-Germain-des-Prés en 1948 et le mobilier de la cathédrale Notre-Dame de Rouen en 1955.

Promu commandeur de la Légion d’honneur en 1952, Subes dessine le modèle de l’actuel grand collier de la Légion d’honneur en 1953, mais aussi l’insigne des Palmes académiques et celui des Arts et des Lettres, ordres respectivement créés en 1955 et 1957. Il est le premier artiste décorateur à être élu à l’Académie des Beaux-arts en 1958, lui qui a créé près de quarante épées d’académiciens tout au long de sa carrière.

Les dernières œuvres majeures de Raymond Subes sont des monuments commémoratifs. En 1962, il réalise avec l’architecte Albert Laprade le tombeau en bronze du Maréchal Lyautey aux Invalides. En 1968, il est l’auteur avec le sculpteur Raymond Martin du monument au Général Leclerc Porte d’Orléans, dont la statue était à l’origine encadrée par deux grands faisceaux en aluminium. Raymond Subes meurt à Étampes le 31 janvier 1970 des suites d’un accident de la route.

Image
Photo du Hall d'honneur du Palais de la Porte Dorée en 1931
Hall d'Honneur du Palais de la Porte Dorée en 1931, lampadaires et grille de Raymond Subes
Archives Nationales A.N. 403 AP 26