Les coulisses du commissariat de l'Exposition coloniale

Le commissariat général de l’Exposition coloniale de 1931, dirigé par le maréchal Lyautey, vise à coordonner, à réglementer et à promouvoir l’événement. Une large part de ce travail est réalisée par une équipe resserrée autour de trois personnes : le délégué général Marcel Olivier (1879-1945), le secrétaire général Émile Vatin-Pérignon (1887-1951) et le chef de cabinet Roger Homo (1892-1977).

Marcel Olivier, le délégué général

Le délégué général de l'Exposition coloniale Marcel Olivier

Marcel Olivier dans son bureau en octobre 1931.

Agence Rol, Ref : 158723, BNF.

Le délégué général de l’Exposition coloniale est le bras droit du commissaire général, le maréchal Lyautey. La fonction de délégué général est créée spécialement pour le gouverneur général Marcel Olivier par décret du 10 février 1930. Marcel Olivier entre au ministère des Colonies en 1902, comme attaché de cabinet du ministre Gaston Doumergue. Il publie un ouvrage sur le Sénégal en 1907 à l’occasion de la première exposition coloniale de Marseille. En 1910, il rejoint le cabinet de William Ponty, alors gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF). Il devient gouverneur du Soudan en 1919 et assure par intérim le gouvernement général de l’AOF à partir de 1922. 

Il est fait gouverneur général de Madagascar en 1924, jusqu’en 1930 où il rejoint le commissariat général de l’Exposition coloniale. Il prend le relais de Léon Cayla, secrétaire général de l’Exposition depuis 1927, qui le remplace à Madagascar.

La fonction de délégué général

Le rôle du délégué général est de seconder le commissaire général et de le suppléer en cas d’absence ou d’empêchement. Il est également chargé d’édicter les règlements régissant la vie de l’Exposition, notamment les consignes de sécurité incendie, après que le pavillon hollandais ait été détruit par le feu en juin 1931. Outre ces fonctions organisationnelles et réglementaires, le délégué général a aussi pour mission de légitimer l’Exposition coloniale auprès du grand public. 

En 1930, l’organisation de l’Exposition est, en effet, jugée opaque. Les réseaux politiques et administratifs du délégué général doivent ainsi servir à promouvoir l’événement. Dans la revue Inventaire de la France d’Outre-Mer, Marcel Olivier énonce clairement le but de l’Exposition coloniale, qui est de mettre en évidence les deux caractères essentiels de l’action coloniale : « l’utilité et le bienfait. C’est pourquoi, sans négliger le côté spectaculaire, indispensable à toute manifestation qui souhaite intéresser le grand public et obtenir les faveurs de l’opinion, c’est surtout le côté humain et positif de la colonisation qui sera l’objet de notre sollicitude ».

Le commissariat général de l'Exposition coloniale de 1931

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Trombinoscope des principaux « animateurs » de l’Exposition coloniale, paru dans le Livre d’or de l’Exposition coloniale internationale de Paris, 1931, BNF, p.12 et 14.

Des proches de Lyautey

Le gouverneur général Olivier est assisté dans ses missions par le nouveau secrétaire général, Émile Vatin-Pérignon et le chef de cabinet du commissariat, Roger Homo, deux proches du maréchal Lyautey. 

Diplômé de l’école libre des sciences politiques, Vatin-Pérignon a été chef du cabinet civil du Maréchal lorsque celui-ci était résident général au Maroc de 1912 à 1925. Journaliste de formation, Roger Homo a également été attaché au cabinet civil à partir de 1920.

Ils ont joué un rôle central dans la propagande pour la « pacification  » du Maroc, euphémisme utilisé à l’époque pour parler des opérations militaires contre les résistances marocaines à l’occupation française. Au moment de la guerre contre les tribus du Rif en juin 1925, une lettre de Vantin-Pérignon invitant à influencer la presse en faveur de l’action du Maréchal, est volée et publiée par le journal l’Humanité. Le scandale pousse le chef du cabinet civil à démissionner. Le maréchal Lyautey est finalement désavoué par le gouvernement en juillet 1925 et quitte le Maroc quelques mois plus tard. 

En rappelant Roger Homo et Émile Vatin-Pérignon auprès de lui, afin d’assister Marcel Olivier, le maréchal Lyautey entend ainsi structurer la communication sur l’Exposition coloniale. Homo est plus spécifiquement chargé des relations avec la presse, de la propagande et de la publicité. Le 30 avril 1930, le délégué général Olivier, le secrétaire général Vatin-Pérignon et le chef de cabinet Homo reçoivent ainsi une importante délégation de journalistes pour leur faire visiter les chantiers de l’Exposition. 

La relation avec les artistes

Les trois hommes sont aussi amenés à régler des problèmes en interne, notamment en ce qui concerne la décoration du musée permanent des Colonies. Dans la plupart des cas, les artistes les sollicitent afin de faire pression sur l’architecte du Palais, Albert Laprade.

Dans une lettre du 12 juin 1930, le sculpteur Alfred Janniot menace ainsi Laprade d’écrire à « monsieur le Gouverneur Général pour protester » d’être tenu à l’écart des visites du bas-relief faites aux journalistes, tandis que le 24 juillet, Pierre-Henri Ducos de la Haille répond aux critiques de Laprade sur la fresque de la salle de fêtes en arguant que « Monsieur le Gouverneur Olivier s’est montré très satisfait de tout l’ensemble ». En décembre 1931, André Lemaître, qui estime avoir peint davantage que prévu pour la fresque du salon de l’Asie, est quant à lui soutenu par le secrétaire général Vatin-Pérignon face à Laprade.

La relation entre Albert Laprade et Roger Homo est plus fluide. En 1928, le chef du cabinet transmet un article de l’architecte intitulé « Lyautey urbaniste » au Maréchal, qui le remercie chaleureusement. Laprade réalise aussi des dessins pour le livre de Roger Homo en hommage à la politique marocaine de Lyautey, Confidentiel, qui paraît en 1930. C’est enfin à Homo que Laprade écrit en février 1931 pour accélérer la validation de la liste des noms des « grands coloniaux » qui doit être gravée sur la façade ouest du Palais. 

Et après l'Exposition ?

Couverture du Rapport général sur l'Exposition coloniale de 1931

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Rapport général, tome V, 1ère partie, Section coloniales, 1933, BNF

Le gouverneur général Olivier, avec la collaboration de Roger Homo, rédige le Rapport général en sept tomes sur l’Exposition coloniale, paru entre 1932 et 1934. Dans sa préface, le maréchal Lyautey remercie personnellement le gouverneur général Olivier dont « le labeur infatigable, la compétence hors pair, la bonne grâce, contribuèrent, pour la plus large part » au succès de l’événement.

À l’issue de l’Exposition coloniale, Marcel Olivier est nommé en 1932 président de la Compagnie générale transatlantique.

Roger Homo quant à lui devient patron de presse, avant d’entamer une carrière préfectorale sous l’Occupation.

Émile Vatin-Pérignon occupe les fonctions de secrétaire général de la Fondation Lyautey, créée quelques années après sa mort en 1934, puis celles de président de la Ligue maritime et coloniale.