Les vitrines du Palais
Une collection représentative du mobilier muséographique des années 1930
L’aménagement du musée permanent des colonies à l’occasion de l’exposition coloniale internationale de 1931 correspond à une période où le milieu des musées se professionnalise et souhaite entrer dans la modernité. A travers l’Office international des musées (OIM), créé en 1926, et la revue Mouseïon (1927-1947), les musées peuvent échanger sur leurs pratiques concernant par exemple l’éclairage, le mobilier ou l’accueil du public. Ainsi, à la première conférence de l’OIM à Madrid, en 1934, qui portait sur l’éclairage, la toiture du palais de la porte Dorée fut signalée comme un exemple judicieux d’éclairage naturel indirect. Dans les années 1930, le mobilier muséographique tend à se renouveler tout en se standardisant et des fabricants qui travaillaient surtout pour les magasins (Siégel) vont proposer des modèles de vitrines adaptées au milieu muséal. Le palais de la porte Dorée conserve de nombreux témoignages du mobilier du musée des colonies, réutilisé dans les musées successifs : l’ensemble constitué par les dioramas, les vitrines d’échantillons et les panneaux rétro-éclairés pour la sous-section des produits de la section de synthèse, et des vitrines réparties entre la section rétrospective et les autres salles de la section de synthèse.
L’architecte Albert Laprade, qui avait coordonné les différents décors du palais, joua un rôle majeur dans le choix des meubles, allant jusqu’à en dessiner certains. Même s’il s’agit d’un mobilier avant tout fonctionnel, sans décor ni style affiché, on peut regretter que certains projets de Laprade, d’esprit Art déco, proches de Ruhlmann, n’aient pas été réalisés.
L’ensemble conservé présente l’intérêt d’offrir une typologie des vitrines de musées des années trente ; pour chacune, la forme est adaptée à l’usage et au type d’objet que le meuble doit présenter. La gamme est vaste : vitrines doubles, vitrines plates, vitrines-pupitres, vitrines double face, vitrines murales, vitrines octogonales, vitrines médaillers, vitrines avec miroir intégré, sur socle, sur pied, à volets tournants, en bois, en métal. Grâce aux marchés conservés dans les archives et aux plans provenant d’Albert Laprade, on connaît l’identité de la plupart des fabricants : Gallot, Peignen, Piret, Siégel, Sormani. La maison Michon, Pigé et Peigne, spécialisée en menuiserie d’art, en fournit neuf types différents.
Une vingtaine d’entre elles, fabriquées par la société Gallot frères ou par Omer Piret (artisan d’origine belge naturalisé français en 1926), présentent une forme simple, sur le modèle de la vitrine plate sur quatre pieds, décliné dans plusieurs tailles et peints dans différentes couleurs. On note quelques variantes dans le piètement (section dégradée ou piètement droit), dans l’encadrement métallique des vitres ou dans leur ouverture (coulissantes ou à serrure).
D’autres sont plus originales et constituent sans doute des créations uniques. Deux grandes vitrines-pupitres dites « à dos d’âne » en bois exotique, longues de 3 mètres, furent installées dans la salle consacrée à la marine marchande de la section de synthèse.
Pour la section rétrospective, Albert Laprade dessina une série de huit vitrines octogonales, hautes de 3,55 mètres, avec soubassement et couronnement en bois exotique, de grandes vitres séparées par des montants métalliques et un éclairage intégré ; le couronnement est surmonté d’un vase éclairant en plâtre.
Ces vitrines furent réalisées par la société Michon, Pigé et Peigne. La même société fabriqua une vitrine octogonale haute de 2,30 mètres avec soubassement en bois exotique et montants métalliques en partie haute, installée dans le hall d’honneur, face à la porte d’entrée, pour y exposer des petits bronzes animaliers.
Enfin, deux vitrines pyramidales en bois, hautes de 2,50 mètres et fabriquées par la maison Siégel, furent rapatriées du pavillon de la Guadeloupe dans le musée des colonies. La maison Siégel est également l’auteur d’une vitrine à piétement en métal, haute de 180 cm.
Des cadres provenant de vitrines à volets sont également conservés. Le type de la vitrine à volets tournants ou vitrine en éventail remonte au XIXe siècle (on en connaît dans les premiers aménagements du musée archéologique de Saint-Germain-en-Laye). Il permet d’exposer des dessins, des gravures ou des photographies sous verre dans des cadres double face reliés à un pied central ; on peut ainsi faire tourner les cadres comme les pages d’un livre tout en bénéficiant d’un gain de place important. On en voit sur des vues anciennes du musée de la FOM dans les salles consacrées au Maghreb.
Enfin, dans l’escalier nord, des vitrines murales constituées d’un cadre métallique sont intégrées aux murs.
Le chef-d’œuvre de la collection est sans aucun doute la vitrine-pupitre double face de la galerie des produits végétaux de la section de synthèse, ornée en partie haute de plaques de verre positives : les textiles d’un côté et les oléagineux de l’autre. Cette vitrine, véritable unicum, fait écho aux produits exposés dans les vitrines d’échantillons et aux dioramas qui l’environnent.